dimanche 7 juillet 2024

À pieds joints dans le Landeyran souterrain



Compte rendu des quatre jours d'exploration, de redécouverte et de désobstruction dans la Grotte de la Boite aux lettres


Vallée du Landeyran, Hérault



La fois dernière, nous nous étions arrêtés devant un passage bas noyé dans la grande salle supérieure, d'où coulait un petit ruisseau. Ce passage initialement colmaté a été rouvert par l'eau suite à d'importantes pluies. Derrière ce passage, une très grande salle et un conduit rectiligne soufflant sont redécouverts. Ouvrant la possibilité sur des escalades et de la désob. Au point le plus bas connu de la cavité, nous nous étions arrêtés sur ce qui nous semble être l'aval du ruisseau rencontré dans la grande salle. Ici, le niveau d'eau était bien haut, créant un siphon et empêchant tout courant d'air de passer. Suite à cela, une visite ultérieure permit de voir que ce ruisseau pouvait s'assécher en totalité, y compris dans l'inférieur (avec encore un peu d'eau dans le fond au moment de cette visite). L'eau disparut du siphon laissa place à un généreux courant d'air. Il restait néanmoins au fond, quelques centimètres d'eau. Les perspectives pour la session prochaine étaient données, et nous ne serons pas déçus du voyage !




Lundi 01 Juin 2024

Participants : Ju, Charlie, Alary

TPST: 12h / Grotte de la Boite aux lettres

Entrée à 11h avec trois gros kits de matos direction la grande salle parallèle dans laquelle des escalades sont à faire. Cette nouvelle grande salle, que nous appellerons instinctivement "la cathédrale", est parallèle à la grande salle précédente (appelée la "salle principale"), l'une de l'autre sont séparées d'environ 7m de roche pleine. Pour y accéder, on passe un passage bas, que l'on vidange pour ne pas se tremper. Derrière, sur la droite, on débouche dans un conduit rectiligne perpendiculaire à tout le reste.
Conduit perpendiculaire
Celui-ci tourne au bout d'une quinzaine de mètres très brusquement à droite, donnant dans une petite pièce circulaire au bout de laquelle un petit passage soufflant est présent. Une désob a visiblement été tentée ici sur quelques dizaines de centimètres, et les gravats extraits se sont emprisonnés dans la coulée de calcite avec le temps. Élargir ici serait un gros chantier, ce n'est pas la priorité, mais c'est faisable. Retour juste après le passage bas. Sur la gauche, une étroiture rampante à l'égyptienne dans la boue de quelques mètres donne directement dans la cathédrale. Celle salle très haute (±30m de haut) et peu large (±3m) résonne vraiment très bien. 
La salle doit faire 30 à 35m de long et est entrecoupée par un mur pleine roche, que l'on équipe avec quelques marchons. Au fond, notre première escalade de 6m environ. Cette dernière a déjà été faite à l'époque, on repère trois spit sur une coulée adjacente. Arrivée en haut, je repère une suite étroite, en me mettant dedans, je sens un léger courant d'air, et il semblerait qu'il y ait une autre petite salle derrière, mais il faudrait élargir tout ça ! Pour ne pas laisser de matériel ici, je redescends sur mes pulse un par un. Ensuite, direction le début de la salle, où une grande escalade nous attend. Et c'est Ju qui commence, je prendrai la suite plus tard. Au bout d'un moment, il est nécessaire d'installer un frac pour récupérer nos pulse et continuer. Pour ne pas laisser trop de matos, je plante un goujon de 12 doublé d'un pulse de 12.
Bientôt en haut
J'arrive finalement à l'endroit que nous voyons depuis le bas, et... il n'y a rien du tout, si ce n'est un
boyau impénétrable descendant à la verticale... Au-dessus, ça monte encore un peu, mais la visibilité est mauvaise de ce point. Je fatigue vraiment, et j'ai hâte de retrouver le sol, donc je laisse la place à Charlie pour effectuer les 3/4 derniers mètres. Et il n'y a absolument rien, le plafond rejoint les murs, aucun palier, aucune suite... Du coup Charlie bricole des trucs pour laisser le moins de matos possible en haut. En tout, cette escalade d'environ 17m nous aura couté deux goujons de 12 et un bout de corde de 1m. Il est 21h passé, mais nous n'avons pas fini. Pour prévoir la journée de demain, on fait un tour au point bas. En bas donc, le ruisseau est sec, mais il y a une flaque et une lame au sol qui empêche de passer. Juste à droite, un boyau étroit ne décent pas autant, et surtout, souffle très généreusement ! C'est ici que nous attaquerons demain. Direction la sortie, avec ses quelques étroitures, dont la fameuse boite aux lettres (étroiture remontante de 2m de haut) et ces ramping pas confortables (on finira par s'habituer à tout ça). Sorties un peu après 23h.



Mardi 02 Juin 2024

Participants : Ju, Charlie, Alary

TPST: 10h15 / Grotte de la Boite aux lettres

Mâtiné course pour acheter un peu de matos, une mèche en 8, un super seau déformable, une massette de plus.... On rentre dans le trou vers 13h, direction le point bas. Ici, nous avons de la place pour stocker, et tirer les sauts depuis un palier 2m plus haut. Dessous, une seule personne à la fois travaille. La lame identifiée hier est sortie du sol au pied de biche, et réduite sur place. L'argile est décaissée, on peut passer, sauf qu'il y a de l'eau, et énormément de boue... En sondant la suite avec la jambe au loin, j'identifie un passage bas s'élargissant un peu après. Rien de bien fou.

Vu vers l'eau
Du coup, on essaie de vidanger l'eau au seau, mais c'est interminable, la flaque semble être grande. Du coup on attaque le conduit de droite, qui souffle assez fort, en pleine roche. 
Conduit de droite, on attaque le mur gauche
Le boulot est remarquable, c'est quelque chose comme 150kg de roche en trois gros blocs que l'on doit maintenant gérer.
Énorme
Nous continuons avec fracas, en prenant le temps de faire quelques sculptures entre deux seaux. À un moment, un bloc éclaté révèle une large bande cristallisée dans la roche, ce caillou sera exposé avec le reste de nos œuvres, dans ce qu'on appellera, la "galerie de l'exposition".
Belle pièce
En début de nuit, vers 22h, Charlie est capable de voir au loin. La suite existe et semble descendre.
2m de gagné
Pour aller plus loin, il nous faudra élargir davantage et creuser le sol, mais la suite s'élargit légèrement d'elle-même. À 22h30 nous prenons le chemin du dehors, pour y être vers 23h15.
Combi aérée


Mercredi 03 Juin 2024

Participants : Charlie, Alary

TPST: 7h30 / Grotte de la Boite aux lettres

Entrer vers 12h30, on attaque sans attendre. Élargissement effectué, sol décaissé, puis petit repas pour moi dans la "salle pipi" (nom provisoire) sur les coups de 16h pendant que Charlie s'affaire sur le front. En m'en allant manger, il me dit de regarder au plafond dans un coin de la salle pipi, ce que je ferai rapidement après. Et ça ne manque pas, moins de 8m au-dessus, de belles concrétions blanches sont visibles dans une salle, et ça raisonne fort ! Du coup je tourne un peu pour trouver un moyen d'escalader, et je finis par trouver un boyau remontant montrant des traces de passages. En même temps dans ce boyau, je dégomme un caillou à moitié enfoui dans l'argile d'une roche absolument différente des roches présentes dans cette grotte.

Un truc comme du grès importé par l'eau ?
Charlie me rejoint rapidement, et la désob est mise en pause pour de l'explo ! On grimpe alors dans d'énormes plaques de plafond décollées et remodelées légèrement par l'eau, il y a des vides et des fissures parallèles et perpendiculaires partout, la vigilance est de mise. En remontant de 5m, on tombe sur un vieux montage câble acier et corde à nœud, partant direction la salle vue depuis le bas.
C'est pas FFS
Nous passons, et trouvons plus haut une fissure élargie avec une margelle qui pourrait nous mener à cette fameuse salle... on verra après, car ça continue de monter, et il y a une corde pendue en haut ! Nous y arrivons, juste derrière et sous nous 7m de vide, mais ça passe (suffit de pas regarder en bas), et nous arrivons dans un large volume entièrement fracassé par la tectonique. Il se trouve en fait que nous sommes dans le plafond de la grande salle principale. Ce supérieur peut s'atteindre par une vieille corde, mais la nature des amarrages et la vétusté générale de l'équipement laissé ici pendant plus de 15 ans nous avait refusé de monter... Nous explorons à pas légers, et apercevons le grand vide à plusieurs endroits. À un moment, nous descendons entre les blocs, c'est labyrinthique. Et nous distinguons un grand volume au loin, qui raisonne beaucoup. Notre sens de l'orientation totalement déréglé nous fait croire à une nouvelle salle, mais après beaucoup de mal pour rejoindre ce dernier (étroiture, vide évité, oppo boueuses pas cool...), nous évitons un dernier grand vide et je monte m'assoir à un endroit, puis Charlie me rejoint, et d'un seul coup, nous nous rendons compte que nous avons juste fait une boucle dans l'éboulis, et somme revenus exactement au même endroit qu'avant dans le plafond de la grande salle... Grande désillusion ! Mais au moins, on commence à comprendre comment le truc est foutu (et c'est un énorme bazar). 

Pour faire simple, tous les volumes sont parallèles les uns aux autres, tous orientés environ 200°S-20°N, entrecoupés de petits passages qui les recoupent. Tout cela agrémenté de régions démantelées et remplies de gros blocs en éboulis plus ou moins stabilisés. Sous tout ça, passe un ruisseau que l'on a déjà vu couler, mais qui est sec la plupart du temps. 

Il est d'ailleurs amusant de voir en haut de cette grande salle, un énorme bout de plafond sous creusé par l'eau en lapiaz, et ensuite décroché du plafond, et reposant sur d'autres éboulis à 20m de haut. Il y a aussi de très belles concrétions.
Un échantillon
Entre deux énormes morceaux de plafond, il est possible de se faufiler, rampant dans une boue terrible et parfois très rouge, pour voir encore quelques belles concrétions. Une fois le tour fait, nous redescendons par là où nous sommes montés, et essayons d'accéder à la salle qui a lancé cette exploration inopinée par la fissure détectée à la montée. Ça passe grâce à une petite margelle, mais l'engagement monte d'un cran quand des vides directs viennent s'ajouter à ce toboggan lisse, aérien, et suffisamment large pour glisser dedans.... Finalement, Charlie arrive à passer et arrive 3m au-dessus de cette fameuse salle, une corde y descend, mais pas question de l'emprunter (puis nous n'avons aucun matos sur nous). Je m'arrête un peu avant cela, car cumulé à la fatigue, c'est bien trop risqué d'essayer de passer.
On redescend dans la salle pipi, et on tente une escalade via une diaclase lisse mais peu large, qui permet de monter en compression sur 6m. On arrive alors 3m sous le bout de la corde vu plus haut par Charlie. Ici, il y a des trous partout entre les blocs, un pas d'escalade semble être possible, mais ce n'est absolument pas raisonnable d'essayer cela (c'est boueux partout). On reviendra. Avant de partir, retour sur le front de désob pour parler un peu avec le mur préparé par Charlie pendant mon repas, puis direction l'extérieur pour sortir à 20h.


Jeudi 04 Juin 2024

Participants : Ju, Charlie, Alary

Changement de programme ! Au bout de trois gros jours d'effort, nous ressentons le besoin de faire une pause pour reprendre des forces, se détendre les muscles et se changer un peu les idées. Du coup, une session canyoning se met en place. Nous ferrons le canyon de Colombières, et descendrons l'Arles. En tout, c'est 3km de canyon sur 520m de dénivelé négatif, avec pas mal de rappel, de sauts et quelques cascades un peu engagées. Le niveau d'eau est plutôt haut, ce qui est bon pour les toboggans, mais moins drôle pour les cascades. L'eau est fraiche, mais les combis en 5mm s'en accommode bien. Finalement, cette journée fut tout aussi fatigante que les autres, tellement qu'il nous passe l'envie de manger, le sommeil gagne.



Vendredi 05 Juin 2024

Participants : Melissa, Charlie, Alary

TPST: 6h / Grotte de la Boite aux lettres

Entre temps, nous nous sommes décidés sur ce que nous allions faire aujourd'hui. L'objectif est d'escalader le ressaut de 3m, explorer la salle du haut, poser quelques cordes, et retourner creuser sur le front. Mais les choses vont très rapidement changer ! En effet, nous n'avions pas espoir de trouver grand-chose en montant dans cette salle, mais il en fut tout autre ! En deux pulse, l'escalade est pliée, et les cordes pour descendre placées, je monte et fais un rapide tour de la salle pour voir si ça vaut le coup que tout le monde monte. Et au détour d'une lame de roche, un passage bas étroit laisse passer un fort courant d'air, bien plus fort que celui du fond où l'on creuse ! Du coup, tout le monde monte. Derrière ce rétrécissement, une autre salle, avec un peu de matériel laissé. Une espèce de poche en chambre à air semblant contenir des cailloux avec de la poudre grisâtre, et plus loin un sac avec un emballage plastique, une sorte de cendre, un emballage plastique et quelque chose de marron tout fondu et solidifié. 

La poche qui sent une sorte de gaz
Dans cette salle, sur la droite, un tunnel désob donne sur une autre salle, avec de grandes coulées oranges. Au-dessus une étroiture et une petite diaclase sans intérêt. Retour dans la salle de la poche. Sur la gauche, une diaclase part, puis quelques blocs s'escaladent, et nous arrivons dans une pièce très concrétionnée, avec des coulées d'une blancheur extrême.
Les coulées sont cachées derrière
De là, beaucoup de vides sont présents en dessous, mais nous trouvons un passage qui mène sur un toboggan glissant descendant. Nous arrivons alors sur une autre étroiture désob qui souffle vraiment fort du fait du rétrécissement. Nous passons sans les baudriers et arrivons encore une fois, dans une grande diaclase parallèle.

Nous avançons sur un faux plancher, c'est creux de quelques mètres en dessous, puis ça bifurque à droite sur un amas de blocs, et ça pince de partout, sauf vers le bas. Charlie descend un peu entre les blocs, sur un palier, sous lui, une petite verticale de 8m, il lance un caillou... et ça fait plouf ! Il lui semble même entendre les clapotis de l'eau en bas. Mais pour descendre, il nous faut les cordes, alors retour à la salle de l'escalade, manger un bout, récupérer du matos, et retour au-dessus du puits. Il n'y a aucun équipement en place, peut-être que le fond a déjà été visité avec une corde autour d'un gros bloc, impossible de le savoir. Depuis le palier où je plante deux pulse, j'entends l'eau se mouvoir plus bas, c'est excitant !
C'est parti !
La corde arrive tout juste en bas, et on prend pied dans un ruisseau, avec un amont et un aval pénétrable. L'amont part sur 5/6m puis se rétrécit, on pourrait passer mais cela signifierait ramper dans l'eau, après le rétrécissement, ça devient plus large. L'aval se parcourt plus aisément, et développe sur une quarantaine de mètres environ.
En bas aucune trace de passage visible, probablement effacé par les battements de l'eau. 
L'amont
Du coup, direction l'aval, avec une belle première pièce.
Après cette pièce, un passage bas oblige de nous mouiller légèrement, de l'autre côté, nous arrivons sur un éboulis de très gros blocs. L'eau passe dessous et entre les blocs, puis semble partir dans quelques interstices. Il est possible de monter dans l'éboulis, on aperçoit l'eau dessous. Un passage serait possible entre les blocs après élargissement. Sur les rochers, 15cm au-dessus du niveau actuel de l'eau, une large bande noire est visible, peut-être la trace ancienne d'un niveau stable. 
L'éboulis remonte bien, et il y a de beaux volumes entre les blocs, peut-être la suite des supérieurs au-dessus de tout ça mais ce n'est pas franchissable en l'état, bien trop de boue et trop peu de prises.

Il nous parait étonnant tout de même que les premiers explorateurs ne soient pas descendus dans le ruisseau, peut-être le niveau de l'eau était il bien plus haut au moment de leur visite ?Peut-être y a-t-il un autre passage ne nécessitant pas de corde ? En tout cas, il sera intéressant de venir voir l'évolution du ruisseau suite à des pluies prolongées ou au contraire lors d'une sécheresse, constater si le niveau varie et réagit aux mouvements du ruisseau extérieur qui se perd à quelques pas de la grotte. Le débit apprécié dans la grotte correspond fortement au débit observé à l'extérieur dans le ruisseau du Landeyran qui se perd. Dans le futur, nous améliorerons grandement l'accessibilité dans la grotte, en élargissant certains passages, et en posant des marchons stratégiques pour faciliter les déplacements.

Une belle session très exigeante de 35h, avec la consécration finale d'avoir retrouvé le cours d'eau, et un bel espoir de pouvoir le suivre et retomber dans des supérieurs encore inexplorés !

4 commentaires:

Daniel Constans a dit…

Vous avez trouvé de l'acetylene dans une chambre à air 😉

masdan a dit…

Bite à carbure, et la mélasse dans le plastic est peut être un explosif décomposé. Bravo, vous êtes des fous furieux... :-)

Dom POULAIN a dit…

bravo

jean michel a dit…

dans le sac ça doit être du carbure utilisé c'est à dire de la chaux.
On peut toujours amarrer une corde sans spit: nœud coincé, sangle, AN, amarrage humain....
surtout en première