lundi 28 août 2017

Une rivière fossile sous le plateau de Sault

Mercredi 23 et Dimanche 27/08/2017
Trou du Chandelier
Participants :
Mercredi : Denis, Sophie, Henri, Jean-Luc, Julie
Dimanche : Steve, Dominique, Christelle, Henri, Denis, Laurent
TPST : 8H + 8H

Mercredi, troisième séance pour ouvrir un passage direct vers le puits. Les remblais peuvent enfin être évacués vers le bas et le palier.
En milieu d'après-midi, le plus gros ayant été fait, Henri puis Denis se collent à l'équipement du puits qui nous narguait depuis 10 jours.
Celui-ci confirme nos espérances : à 20m du départ, la verticale débouche au sommet d'une grosse galerie chaotique de 15m par 15m. C'est l'euphorie...
Rapide reconnaissance pour confirmer que ça continue...Et c'est le cas !
C'est décidé, la prochaine journée sera consacrée à de l'exploration. Enfin...

Dimanche, l'équipe chargée de quelques cordes, amarrages et surtout de quoi survivre dans le froid s'engage dans la suite.

Arrivée dans la galerie fossile
 L'aval de la galerie file plein Est vers le fond du vallon et bute sur un immense chaos remontant. J'y découvre un crâne de fouine assez ancien. Pour sûr il existe un ancien débouché de ce gros conduit sur le flanc de la montagne, mais sous combien de dizaines de mètres cube de remplissage ?

L'amont sort rapidement du chaos rocheux pour tomber sur un sol plat agrémenté de nombreux gours à sec. Au premier rétrécissement (3X3m quand même !), le courant d'air est bien sensible et indique que l'on ne va pas s'arrêter tout de suite...


La galerie prend de très belles proportions, le sol est magnifiquement concrétionné et les vagues d'érosion sur les parois indiquent que nous venons de découvrir ni plus ni moins que l'ancien cours du Blau souterrain, presque parfaitement plat à la cote 680NGF environ.
C'est le délire...

En avant vers l'inconnu des entrailles du plateau de Sault

marmite perchée à 2m du sol
La section du conduit et les formes d'érosion indiquent que le paléo-débit devait être considérable...
Je prends régulièrement les directions : d'abord Sud-Ouest, puis Ouest.
Nous filons exactement sous la vallée sèche du col du Chandelier, en nous éloignant de l'actuel Blau et du chevauchement frontal Nord-Pyrénéen. Plus aucune trace de zone instable, nous sommes en plein massif.
Les centaines de mètres s'enchaînent.
Un premier obstacle nous freine, il s'agit d'une vire à équiper au dessus d'un gour presque à sec. Nous en profitons pour manger


Passage de la vire
 La progression reprend de plus belle; nous traversons une grande quantité de grands gours (ou petits lacs) qui pour sûr en hiver doivent être pleins, embellir encore le trou mais bien freiner la vitesse de progression ou même obliger à équiper des mains courantes.
Plage de sable de mondmilch, spécialité locale
La galerie est soudain bouchée. Bouchée ? Non ! Un ronflement fait penser un instant à la présence d'une rivière mais c'est bel et bien le courant d'air, toujours aussi présent, qui franchit une étroiture (très) ponctuelle. Ca passe rapidement et c'est reparti...
Le collecteur se transforme à présent en grand méandre avec des hauteurs de voûte bien souvent supérieures à 15m.

Le sol alterne entre zones glissantes de fond de gour et zones calcitées. Il semble que l'élévation depuis le point de départ, et donc la pente globale, soit presque nulle, ce qui contraste fortement avec le profil en montagnes russes des galeries du trou du Vent.
Une nouvelle escalade à équiper nous ralentit un instant mais ce n'est qu'une grosse coulée à contourner, le sol redevient plat.



Un insoluble qui sort de la paroi telle une murène (longueur réelle 2m)

Quelques vieilles coulées barrent partiellement la galerie

Encore de grandes hauteurs de conduit
Nous sommes déjà loin quand un obstacle plus sérieux se présente : à défaut de pouvoir équiper une vire en hauteur, nous sommes contraints à la baignade, ce qui ne réjouit pas du tout Henri.

Juste derrière une voûte basse bien planquée concentre le courant d'air sur une vasque faisant des vagues, le passage demande un peu de réflexion mais finalement Denis trouve la solution en se faisant faire la courte échelle.
Ce passage pourrait être potentiellement siphonnant durant les très hautes eaux, un petit aménagement perforant sera sans doute nécessaire.
Derrière ça repart de plus belle avec un sol plat qu'on pourrait parcourir en vélo de ville.

D'après les concrétions, le courant d'air existe depuis longtemps

Nous nous arrêtons sur une nouvelle escalade. Cette fois nous sommes à court de matériel.
Nous décrétons donc le demi-tour après un bon kilomètre d'une première d'anthologie. Il y a du pain sur la planche...
Le retour est contemplatif, et le cerveau commence à intégrer l'importance de la découverte. Rien ne sera plus jamais pareil sous le plateau de Sault...

Encore des gours...

Et de belles galeries
Deux ans après avoir émis l'hypothèse de l'existence de ce drain fossile à l'Ouest du Blau actuel, et après des dizaines d'heures d'un travail ingrat de forçat ponctué de belles frayeurs, quel plaisir de voir la belle théorie se concrétiser sous nos yeux.
La page qui vient de s'ouvrir promet d'être palpitante. Il y aura un avant et un après, le potentiel ici est immense, presque illimité...

Mais il y a quand même un bémol à toute cette allégresse : lors de la remontée des puits, une réalité moins exaltante nous saute aux yeux : même si le risque de chute de gros blocs depuis la trémie est très fortement réduit, toute la zone de remplissage collé (glaise et petits blocs) en haut de celle-ci se soutire lentement et inexorablement. Et ce phénomène ne devrait faire que s'accentuer avec le retour des pluies d'Automne. La zone des puits étant strictement alignée avec les chutes probables de matières diverses, naturelles ou provoquées par un passage, le secteur reste dangereux, le risque augmentant avec le nombre de spéléos figurants dans le jeu de quilles vertical.
Le constat est sans appel : il va falloir tout grillager et stabiliser en priorité avant de poursuivre.

Etant donné le travail déjà engagé et l'enjeu hors normes que constitue la suite des explorations, l'accès mérite une protection optimale, ce que nous avons décidé d'entreprendre au plus vite.

dimanche 20 août 2017

Sécurisation épisode 2 : l'horizon s'éclaircit

Dimanche 20/08/2017
Trou du Chandelier
Participants : Julie, Jean-Luc, Henri, Sophie, Denis, Laurent
TPST : 8h30

Nouvelle séance de pelletage, gamattage, purges et tractions diverses à la chaine durant plus de huit heures.
Ca peut paraître bête et méchant mais chaque avancée est l'occasion d'une nouvelle énigme où il faut quand même utiliser quelques neurones.

Le chantier est à présent totalement vertical. Il faut tout vider, détruire les blocs récalcitrants parfois à la grosse masse et chercher les contours "en dur".
L'ancien passage, en partie effondré, n'existe plus. On a décidé de le shunter entièrement  en passant tout droit.
Le pari de départ était de suivre la paroi saine qui nous avait sauvé la mise plus haut; et à la mi-journée, c'est avec soulagement que nous retrouvons celle-ci plusieurs mètres plus bas. Elle devrait nous conduire jusqu'à la lèvre du grand puits en évitant la zone instable si tout se passe comme prévu...

Le mur de stockage continue à prendre des proportions pharaonesques avec une hauteur mesurée de sept mètres, incluant ou plutôt engloutissant le puits parallèle de -10.
Nous sommes très proches de la saturation d'espace définitive, toutes les options ayant été cette fois exploitées à leur maximum.
Mais de l'avis collectif, la prochaine journée de travail devrait voir s'achever, juste à temps, ce chantier hors normes.

mercredi 16 août 2017

Sécurisation episode 1

Mardi 15/08/2017
Trou du Chandelier
Participants : Denis, Loïc, Henri, Jean-Luc, Julie, Laurent
TPST : 8h30

Deux jours après l'explo nous étions sur place pour continuer les travaux de sécurisation du futur passage.
Il y a à première vue environ 6 mètres cube de matière à faire disparaître vers le haut ou vers le bas avant d'attaquer la phase 2 un peu en dessous.
Comme le passage est refermé, on a pour le moment pas d'autre choix que de remonter terre et blocs vers le puits parallèle de -10 qu'il a fallu au préalable soigneusement obturer en continuité du mur de stockage.

Mur de stockage version définitive

Le résumé de la journée tient en un seul mot : gamattage.
Durant plus de huit heures...

Extraction de blocs

Dans la fosse...
Notre réserve de stockage n'étant pas épuisée, on compte remettre ça Dimanche prochain, en espérant réouvir un passage pour ensuite tout envoyer en bas.
C'est quand même beaucoup plus facile moralement maintenant que l'on connaît la suite...

dimanche 13 août 2017

Journée Historique


 Et sursis pour la suivante...

Dimanche 13/08/2017
Trou du Chandelier
Participants : Denis, Loïc, Jean-Luc, Julie, Henri, Thierry, Laurent
TPST : 6h


Belle équipe aujourd'hui avec renforts et nouvelle recrue pour une journée à fort suspense potentiel.
Les hostilités démarrent comme d'habitude par une séance de purge de cailloux au fond.

Avant l'action
On se relaye à tour de rôle au chantier en pointe. Pendant ce temps, le mur de stockage atteint un point critique mais les bâtisseurs redoublent d'ingéniosité pour pouvoir poursuivre.

"The wall" zone de stockage vue de haut en bas

Après quelques heures de boulot et deux trous bien placés, le passage s'ouvre progressivement vers le bas, ce qui nous oblige à quitter notre paroi saine pour repasser sous de gros blocs.


Franchissement du chaos vertical
Finalement Henri s'insinue. Comme pressenti ça s'élargit franchement quelques mètres plus bas. Tout le monde descend sur un large palier.
Trois départs de puits se présentent. Le sondage ne nous laisse aucun doute : en dessous c'est le même volume.
Ca plombe entre trente et quarante mètres. C'est propre, sain et pleine roche.
Les cailloux renvoient de la partie basse un écho qui nous fait pousser des cris non retenus.
Cette fois c'est du lourd, aux portes grandes ouvertes d'un des plus gros karsts des Pyrénées.
On pense à nos deux expatriés californiens qui voudraient être avec nous en cet instant...

Le palier-relique "qui-tient-tout-ce-qu'on-ne-voit-pas-au-dessus"

Satisfaction assumée
 Mais il y a un revers à la médaille : l'équation gros blocs sur gros vide ne fait pas bon ménage, et en tentant de calculer comment tient tout ce qu'on a sur la tête on ne parvient pas à se rassurer. Il y a un pilier au milieu du palier, amoncellement de blocs, qui reste tout seul en tension semblant tenir toute la zone que nous venons de franchir. Pas sécurit pour poursuivre l'explo...
On remonte prudemment réfléchir en surface.

Discussion de palier (suspendu)


Départ d'un des puits. Dommage il manque l'échelle...
Finalement on décide de sécuriser par le haut et progressivement plutôt que de foncer tête baissée. La victoire est validée, il faudra juste encore être patient pour savourer la suite.
On finit l'après-midi en débutant l'élimination des blocs les plus douteux et en provoquant un nouvel éboulement . 
Le passage est provisoirement refermé, et il faudra être assez nombreux pour l'assainissement final, mais qu'importe, le jeu en vaut bien la chandelle ou plutôt le chandelier.

Les premiers calculs faits, la grande verticale devrait nous mener à la cote -65 environ, soit environ quinze à vingt mètres au dessus du nouveau réseau du trou du vent, d'où provient l'air du Blau. Cela pourrait bien correspondre à l'altitude du grand fossile recherché...

Après l'action le réconfort

vendredi 11 août 2017

Un peu d'histoire....du CLUB....:
Pour rendre hommage (.....) à Pierre Marsol, récemment disparu ( c'est l'euphémisme politiquement correct pour dire....qu'il viens de mourir!)
Ceux qui me lisent vont peut être bondir sur leur siège d'ordi,en me lisant, tant il est connu qu'une inimitié réciproque existait entre nous deux.
Mais il faut rendre à César ce qui lui appartient: il fut pendant les premières 35 ans ou j'ai été au CLUB le personnage central de l'association. Tout du moins dans les réunions. Ou il fut toujours difficile dans placer une sans s'attirer son regard courroucés!
Mon "parrain"également avec le regretté André Sautou. Ma deuxième sortie au CLUB, la traversée Trassanel 1 au 2, c'est lui qui m'y guidait à l'automne 1974.
Malgré tous nos différents, je reconnaît son engagement et son travail à la trésorerie de l'association. De très nombreuses années. Avec talent et même passion.
Pour ce qui est de la spéléo de terrain, c'est autre chose. Et c'est d'ailleurs là qu'il y avait problème.
Ayant très peu pratiqué à la charnière des années 60-70, à une époque ou le "patriaqua" était de mise au SCA, il ne comprendra jamais notre façon de fonctionner, plus spontanée, plus libertaire, plus ouverte. Question de génération. Question d'époque. Chaque génération ce reconnaît dans l'époque ou elle c'est construite. L'on ne peut pas lui en vouloir.
Avec lui ce tourne définitivement une époque. Celle ou mes parents, anciens enseignants, ce sentaient rassurés en me confiant à une association ou mes deux parrains étaient issues de ce milieu professionnel....
Pierre Marsol a fait partis de mon histoire de vie et de l'histoire du Spéléo Club de l'Aude.
Toute ma sympathie à sa femme et à sa famille.

jeudi 10 août 2017

Ca continue au Ver

Jeudi 10/08/2017
Trou de Ver
Participants : Jean-Luc, Henri, Laurent
TPST : 8H

Suite au report de la sortie initiation prévue à Cascastel, et puisque nous avions calé la journée, nous sommes allés nous (re)mettre au Ver.
La cavité avait été un peu délaissée ces derniers temps, conséquence de la reprise des travaux au Chandelier.
Nous étions restés la dernière fois sur un départ de ressaut à élargir.
Après avoir bien déblayé le site, une volée de trous fait le boulot.
Ca passe...
Arrivée dans un méandre 4m plus bas. Coup de bol, il est pénétrable; de profil, certes, mais on est pas exigeants.
Nous avançons d'une dizaine de mètres avant un nouveau départ de ressaut encombré de deux très grosses lames.

Jean-Luc dans le méandre en première
 On s'attaque aux lames (au moins 200kg chacune). On y passe un peu de temps  mais en voyant la suite ça motive. Pourtant le doute intervient car le bas du ressaut en visuel est humide pour ne pas dire gras, alors que toute la cavité est archi-sèche. Le courant d'air ne doit pas passer par là...
On ouvre quand même par conscience professionnelle mais entretemps nous avons repéré une lucane en hauteur avec du noir derrière.

Effectivement le bas du nouveau ressaut s'avère n'être qu'un point bas de décantation. Pas grave cet espace pourra servir de stockage.
On se rapatrie sur la lucane où la technique monotrou fait des miracles et élimine l'obstacle en 15mn chrono.
On prend pied dans un petit réseau supérieur avec amont et aval. L'amont contre une coulée de calcite est parcouru sur 7-8m et bute sur une diaclase remontante étroite. L'aval canalise le courant d'air à travers un chaos de gros blocs, mais après un peu de travail on s'aperçoit que l'obstacle est ponctuel : un nouveau ressaut se présente derrière, et il est pénétrable.

Chantier dans l'aval du supérieur
Mais les blocs sont vraiment très gros. On va finir la journée et les consommables dessus en progressant de 2m supplémentaires. Arrêt provisoire sur autonomie, mais la vision de la suite s'améliore et est enthousiasmante : en bas du ressaut suivant, la diaclase se prolonge en s'élargissant, vue sur 7-8m avant un nouveau plongeon de profondeur indéterminée.
Le trou semble tenir ses promesses pour l'instant avec une vingtaine de mètres de gagnés aujourd'hui dans de bonnes conditions tièdes et sèches.
Les absents ne vont pas reconnaître la prochaine fois.

Derrière les blocs, la suite attend...

samedi 5 août 2017

Chandelles au nez au Chandelier

Ou le paradoxe de la canicule : plus il fait chaud dehors, plus on se gèle dedans...proverbe de L'Escale.

Vendredi 04/08/2017
Trou du Chandelier
Participants : Julie, Andréa, Henri, Jean-Luc, Laurent
TPST : 8H

Deuxième journée de travail post-déverrouillage de l'infâme trémie. Nous continuons à avancer en creusant à la fois à l'horizontale et à la verticale. Blocs, petits vides et zones boueuses puis calcitées se succèdent.
A l'arrière, le mur de stockage de 5m de haut, véritable oeuvre d'art digne du moyen-âge, mérite à présent de figurer au patrimoine culturel de l'Escale.
L'intensité du courant d'air durcit considérablement les conditions de travail, surtout pour le spéléo placé en second dans le passage.
Le chantier en début d'après-midi. L'air sort de plusieurs orifices au sol
L'air sort principalement d'un laminoir subvertical à droite mais plus on y creuse plus ça semble étroit. L'air y vrombit comme un moteur mais sort aussi à plusieurs autres endroits.
Finalement on attaque tout droit dans des blocs moyens calcités. Au bout d'un moment, un autre trou s'ouvre qui fait encore plus de bruit, puis un autre et un troisième. Entre ces trous, un bloc en forme de dièdre fait bouchon. A coups de pied de biche et de sanglage, on parvient à l'extirper.
Le courant d'air augmente encore, il semble à présent assez libre avec des fluctuations d'intensité bien sensibles.
C'est avec l'onglée, la goutte au nez et le faciès crispé que nous finissons la journée en plein vent glacé. Après l'élimination d'une arête, on peut enfin passer la tête dans la suite.
Un vide d'une dizaine de mètres de profondeur se présente un peu en dessous. Ca semble large de plusieurs mètres en bas mais il y a encore un peu de boulot (double chicane verticale entre gros blocs) pour atteindre le sommet. Avec un peu de chance, ce sera pour la prochaine fois.
La délivrance semble proche désormais...