jeudi 25 juillet 2024

Réseau d'Albion: Traversée Aven Julien - Trou souffleur

Samedi 20 et dimanche 21 juillet 2024

Participants : Félix, Gilles, Alary

TPST: 17h / Réseau d'Albion (Saint-Christol, Vaucluse)


Au mois d'Avril, le projet de réaliser la traversée entre l'Aven Julien et le Trou souffleur via la rivière d'Albion se met en place. Dans cet objectif quelques nuitées au gîte de l'ASPA sont réservées, déjà connu de Gilles et Félix. Une chance de ce réseau, est l'extrême proximité de l'entrée par le trou souffleur (entrée originelle), placé à 5 minutes du gîte ! En amont de notre visite, nous épluchons la bibliographie concernant le réseau, fouillant les récits d'explos, les témoignages et les comptes rendus, nous mettent l'eau à la bouche ! Le réseau est en grande partie équipé en fixe pour les explorations en cours, c'était donc une superbe occasion de pouvoir descendre aussi bas sous terre, sans se préoccuper de l'équipement/déséquipement (évaluer à plus de 20h par les connaisseurs du trou... je vous laisse imaginer trouver dans ces immensités les centaines de spit et amarrages forés pendulé de tous les côtés...).

Pour re-situer le réseau, l'entrée originelle (Trou souffleur) culmine à 851m d'altitude, et est située aux abords du village. Il donne sur un réseau qui dépasse les 26km de développement et dont le point bas noyé est à 41m d'altitude (le point bas non noyé est à 83m d'altitude, niveau d'eau variable). De cette entrée, on tombe sur une rivière, et de là, de très nombreuses et grandes escalades sont réalisées, et ont permis de trouver d'autres entrées (comme l'Aven Julien 983m ou encore l'Aven Aubert 896m). Notre objectif sera de rentrer par l'Aven Julien, et de ressortir par le Trou souffleur, le point bas sera à la cote ±245, soit un -740 depuis l'entrée par le Julien.

Départ chacun de notre côté le vendredi, Félix depuis Sète, Gilles depuis Villeneuve, et moi, Carca. Je profite de ce déplacement pour passer la journée de vendredi dans le PNR du Lubéron, en bonne compagnie, chercher quelques bestioles. En fin d'aprèm, nous nous retrouvons vers 17h30 au Souffleur, et allons repérer l'entrée du Julien, situé à 1.2km à vol d'oiseau. 

Voilà notre entrée
Puis direction le gîte, s'installer, manger, et récupérer quelques informations supplémentaires devant l'immense topographie. 
Au détour d'un bon repas


—   —   —


Le lendemain, nous arrivons au Julien après 8h, la température augmentant dehors, nous nous réjouissons de rentrer sous terre, vers 8h30. Les premiers puits s'enchainent bien jusqu'à rejoindre une première galerie bien concrétionnée vers -110.
Galerie de la Courtille
Au passage d'un carrefour, Félix nous propose un petit détour pour aller voir de belles coupoles en plafond.
Une des plus belles
S'ensuit quelques ramping pas bien méchants, alternant avec de la belle galerie horizontale, avant d'arriver sur le P50. Un joli vide agrémenté d'un peu d'eau chutant du plafond.
Vue depuis le bas
Nous arrivons alors dans la Salle de l'AZE, un très grand volume avec pleins de blocs effondrés partout. C'est déjà très impressionnant, mais ce n'est rien comparé à ce qui nous attend... Passage du puits de la vire (mc longeant le haut d'un P20), et nous entamons la galerie du costard ! C'est un beau conduit où l'on circule debout sans souci, avec de temps en temps, de beaux massifs de concrétions colorées d'un genre de jaune opaque et de blanc. Sous certaines concrétions, sont positionnées des bouteilles d'eau qui se remplissent, et que l'on peut boire (au jour du 25/07, nous ne sommes pas malades...)
Galerie du Costard
Souvent concrétionné sur la gauche
Belle couleur
Divers passages bas
Juste après, une belle série de puits nous amène vers les -385. Nous commençons à observer des silex de plus en plus gros sortir des murs ! Superbe contraste entre ces gros blocs ronds noir incrustés et la roche en place anguleuse blanche ! A un endroit, vers le puits du Yoyo, nous débouchons dans une salle à la morphologie impressionnante, comme si plusieurs puits s'étaient tous rejoints au même endroit, donnant de grosses goulottes toutes tournées vers le même centre, c'est aussi très volumineux !
Un puits parmi d'autres
Les silex
Retour dans de l'horizontale, où l'on suit une superbe faille très marquée ! La ligne de faille est marquée dans le sens haut-gauche, bas-droit sur la photo. Les mouvements sont bien visibles dans ce passage.
La faille
Après ça, arrive quelque chose qui m'était absolument sorti de la tête... une très longue série de grands puits nous faisant passer de -384 à -680. La descente s'amorce avec de petits puits, pas très hauts, pas très larges, on est en confiance. Puis arrivé au pied du P32 (-508), une bifurcation dans la morphologie des puits laisse entrevoir la suite colossale, et je me rends compte qu'on n'est absolument pas encore en bas de tout ça ! Car effectivement, ces grands puits sont très fractionnés, en tirées de 10 à 20m (sauf à certains rares endroits), et ça prend beaucoup de temps de passer tout ça. Nous en profitons pour essayer quelques photos, et vidéos.
Après le P32 (vidéos au-dessus), arrive le P53, et là, c'est l'hallucination devant l'immensité de ce puits. Je ne parviens pas à éclairer davantage, même avec mon spot (portée du faisceau supérieure à 50m sous terre), alors on se contentera d'une vidéo où l'on ne voit rien (ça va arriver souvent). Le P53 et le P70 s'enchainent directement.
A -637, nous prenons enfin pied sur une trémie de gros blocs, dessous, un gros P55. Puis nous débouchons enfin au sol (-680), juste à côté d'un beau ruissellement venu de plus haut. En cumulé, et bien que la descente soit heureusement coupée de quelques rares paliers et blocs, la verticale en directe frôle les 210m... soit, une Tour Montparnasse de haut. Il nous aura fallu presque une heure pour descendre tout ça ! On jette au passage un petit coup d'œil aux poulies du descendeur voir ce qu'il en est, car les descentes sont réputées abrasifs... et effectivement, la poulie du bas à complètement changé de forme, elle qui était habituée à de la 8mm, se retrouve bien chamboulé par cette 9.5 voir peut-être même 10mm ! Petit repas ici bien installé, avant de repartir. On remonte alors de 40m sur une corde parallèle, et arrivons à l'entrée du bien nommé Boyau Anal, ici, nous rangeons le matériel inutile pour essayer de le préserver, mais il ne le restera pas bien longtemps. 
On essaie tout de même de ne pas trop se tartiner, avant d'arriver sur un ressaut, un P10 et un P30, obligeant à ressortir le matériel, ce qui à vite fait d'engorger nos bloqueurs de boue. Ces deux puits sont équipés en double, mais nous descendons les un après les autres car c'est bien glissant ! Pour éviter de mauvaises surprises sur une corde boueuse, je fait un tour de bras supplémentaire avec la corde, ainsi, j'évite les à-coups qui me propulserai vers le bas sans que je puisse freiner. Pour faire encore un peu de corde, une E25 nous attend, un vrai régal de devoir tenir la gâchette de la poignée, remettre celle du crolle et réenclencher le pantin tous les mètres ! En haut, les muscles tétanisés par la gestion de la glisse font apparaitre quelques crampes (à ce moment, on pense à tous les puits que nous allons devoir remonter... heureusement là-bas, le matos sera propre, et la gestion de l'effort, olympique).
Haut de la E25
Un dernier boyau aquatique, boueux et bas, puis nous arrivons dans les Alizés, et enfin, la Salle de l'Acribologie. Une salle aux dimensions encore une fois gigantesques, qu'on a presque du mal à éclairer. 
De cette très grande salle, un long plan incliné terreux et glissant parfait pour la glisse contrôlée mène directement à la rivière d'Albion, point bas de notre sortie, à -740m. Pour arriver jusqu'ici, cela nous aura pris 8h30. Nous lavons notre matériel à l'aide d'une brosse à dent intelligemment emportée, et partons vers l'amont par cette incroyable rivière.
Un peu après L'Abbée
Quelques rapides
Toujours de grands volumes
Nous arrivons désormais sur un passage qui nous avait fait planer quelques doutes, la voûte basse... Et finalement, le niveau d'eau étant normal, nous arrivons à passer sans que l'eau ne dépasse le niveau du bassin ! C'est bien mieux comme ça ! Un peu plus loin, nous apercevons le pied de l'éboulis de la Salle des Artifices, sous lequel passe la rivière. 
Cet éboulis d'une soixantaine de mètres de haut, donne donc dans la Salle des Artifices, une salle encore et toujours absolument immense. Nous peinons évidement à l'éclairer.
Comme nous avons encore de la ressource et que nous sommes bons niveau timing, nous décidons de pousser voir l'amont, avant de commencer à remonter. Nous contions donc l'ascension de l'éboulis sur près de 80m, et passons à côté du bivouac. Un vrai espace de vie, avec même une balançoire dont les amarrages sont à 10m de haut au plafond... de quoi bien s'amuser. Quelque chose d'également hallucinant, c'est le niveau qu'atteint la rivière lors des crues, puisque cette dernière peut monter de 140m de haut, et donc atteindre le bivouac... En haut, nous débouchons dans une salle encore une fois absolument énorme, si ce n'est la plus grande. Des escalades monumentales sont en cours ici (et un peu partout dans le réseau d'ailleurs), et des plongées sont également faites à différents endroits. Ça redescend un peu, et nous retrouvons la rivière. Le conduit se rétrécit (5mx5m), et débouche sur un magnifique lac au bout duquel une petite tyrolienne est en place !
Bien sympa comme passage
On longe la rivière avec une main courante hors crue tonché de partout attachée à 2,5m de haut, puis le siphon n°1 se présente à nous. Au-delà de ce premier bain, nous en comptons aujourd'hui 6 autres, entrecoupés de grandes salles.
Siphon 1
Depuis ce point, nous remontons un peu dans le Réseau Amalgame, pour voir l'Arche de blocs et le P300. La légende veut que l'arche à, semblerait, récemment bougé...
L'Arche
Un peu après, nous arrivons au pied d'un puits d'une trentaine de mètres menant au pied du P300, nous n'apercevons pas grand-chose de ce dernier depuis le bas, il faudrait monter plus haut pour bien l'observer, mais quoi qu'il en soit, la topographie de ce puits escaladé donne des sueurs rien qu'en la regardant.
Un peu en dessous du P300
Ici se termine notre tour dans l'amont, retour vers le bivouac et la Salle des Artifices pour trouver l'éboulis remontant du puits André Gendre, un grand P114 (130 en réalité) absolument monstrueux. Nous entamons la grande remontée un peu après 20h, délestés de quelques couches de vêtements. Ce puits manque d'adjectifs pour décrire l'immensité qui nous entoure...
Après le P114, une série de ressauts sur une cinquantaine de mètres nous mène à un bon pallier sous le puits de l'Astrolabe (P76), où nous prenons le temps de manger un bout, et de se ravitailler en eau. Durant notre ascension, nous trouvons d'énormes pendules plein vide qui partent un peu partout dans des supérieurs, c'est absolument terrifiant ! Vers 22h30, nous arrivons tout en haut, dans le méandre de l'Ankou. Nous quittons la corde, car il n'y en a pas, malgré un vide étroit de quelques mètres en dessous, qui cumulé à la fatigue a de quoi mettre la pression par endroit, faut pas glisser... Ce méandre plutôt étroit mesure près de 750m de long, mais heureusement, notre portion à nous n'en fait que 250... Pour autant, ce n'est pas terminé, car nous sommes encore à -200 !
Nous veillons à rester groupés et à suivre très attentivement une série de points blancs pour ne pas se tromper de chemin, et éviter de finir dans des trucs terribles. Au bout de 45 minutes, nous quittons le méandre et arrivons dans notre dernière série de puits, dont le plus grand est un P42, c'est tranquille. Les crampes qui nous inquiétaient, se sont finalement manifestées que dans le dernier puits, à cause de la fatigue. Cette longévité est du au fait que nous avions les pieds contre paroi 85% du temps, permettant de se stabiliser sans forcer et aussi que les puits sont fractionnés en tirés raisonnables. Puis, vers 1h45 le dimanche, nous mettons la tête dehors, après 17h passées dans un autre monde.
En bref, une sortie extraordinaire, dont je retiendrai surtout les volumes, qui m'ont vraiment renversé. Une sorti record également, en termes de profondeur atteinte (-740m) et de temps passé sous terre (17h). Et un très bon entrainement pour le Berger en aout (on va peut-être voir les objectifs à la hausse du coup ! ). 

Retour au gîte, où un super repas nous attend, puis (et pas puits, c'est fini les puits) dodo. Quelques heures plus tard au matin, nous récupérons la voiture et les clefs du Julien, là où il se trouve. Puis nous prenons la route direction Fontaine de Vaucluse, à 31km d'ici à vol d'oiseau, voir à quoi ça ressemble. La journée est lourdement pluvieuse, mais une accalmie nous permet l'aller voir la résurgence. 
Très beau site
Nous pouvons dire à ce terme, que la boucle est définitivement bouclée !

4 commentaires:

riton a dit…

Les formules 1 du SCA! Un jour dans le Doubs. Juste après à Albion...De vrais missiles!!!

masdan a dit…

Passionnant il te faut écrire des livres... ;-)

riton a dit…

Chapeau les gars, c'est la première fois que je lis en entier un de vos récites de classiques! Car là c'est du très lourd ce que vous avez fait! Je connaissait la réputation du massif et du "souffleur" en particulier et de ces énormes volumes. Et du fameux Ankou inspiré d'une légende Bretonne...Dans un des trois massif exploré aux Picos, l'on été aussi tombé sur un volume gigantesque et avec les acétos inutile de préciser que l'on ni voyait...absolument rien!!!Il faudrait compulser les publication pour savoir ou c'était. Quand l'on reviens dans les Corbières, ça fait drôle!

Gilles a dit…

Une belle sortie, il n'y a plus qu'à y retourner pour monter le P300. 😁