Minas Gerais, Brésil
Dans le cadre d'une formation SSF destinée à former les spéléos et corps constitués brésiliens aux techniques de secours en milieu souterrain, nous sommes cinq cadres français à pouvoir nous envoler vers l'hémisphère sud pour la plus grande partie du mois de Mars. En effet, après la formation, nous avons prévu de poursuivre notre séjour par une expédition basée sur l'exploration.
L'équipe est constituée de Jean François (Jef) du Gard, de Grégoire de Seine Maritime, de Tristan de l'Isère, de Laurent C de Lozère et de moi-même de l'Aude.
Les vols aller, Lyon-Lisbonne puis Lisbonne-Belo Horizonte, s'effectuent sans encombres, et nous sommes reçus et hébergés par divers membres du club local, le Bambui.
Belo Horizonte est une ville gigantesque de près de 5 millions d'habitats et étendue sur 50km
Rapidement, nous quittons l'enfer de la ville pour partir en reconnaissance 150km au nord, près de la petite bourgade de Cordisburgo, dans laquelle doit se dérouler une partie du stage. Il s'agit de trouver des cavités adaptées pour la partie souterraine des cours et pour les exercices de fin de stage. Nous sommes plongés immédiatement dans l'ambiance du karst tropical ...
Une zone de pertes, 10km à l'ouest de la ville. Nous comprenons vite le caractère dangereux des zones actives du karst étant donné la puissance potentielle des crues...
La première nuit sur la zone nous réserve un orage d'une violence incroyable. Le lendemain, nous visitons la très belle cavité de Morena, qui doit accueillir le barnum de cloture.
La rivière souterraine de Morena, évidemment, est en crue. Ambiance dantesque mais chaude (28°)
Ambiance western tropical, à cheval dans d'immenses étendues sauvages
L'entrée de la grotte du toboggan, défendue par un essaim d'abeilles africaines, agressives et extrêmement dangereuses
Le stage en lui-même se décompose en deux modules: un cursus court, essentiellement en salle, et qui regroupe environ 70 stagiaires; et un cursus long avec un groupe de 25 stagiaires. Le but est de mettre en avant les cadres brésiliens déjà formés lors des sessions précédentes (2011, 2013) pour qu'à terme le Brésil se structure et devienne autonome en secours. Mais le chemin est encore long pour parvenir à ce résultat.
Néanmoins, de jour en jour, les "alunos" comme on dit en portugais, progressent bien. De nombreux exercices et mises en situation, parfois nocturnes, ont lieu (décrochage des cadres français en falaise, ou encore course de civière par équipes sur parcours similaires)
Entraînements en falaise et démonstrations diverses
Parfois système D
Tyrolienne en jungle
En fin de semaine, les exercices souterrains deviennent la règle, et plusieurs spécialités du secours sont abordées
Certains blessés fictifs ont plus de chance que d'autres lors des exercices ASV dans les points chauds
La fin de la formation est consacrée à deux exercices grandeur nature, équivalents de nos "barnums" départementaux
Evacuation en tyrolienne à la grotte du toboggan
Evacuation dans la rivière de Morena, qui a heureusement retrouvé son calme
Après l'effort, le stage se cloture comme il se doit par une fête à la taille du pays, démesurée. Il faudra plusieurs jours à certains d'entre nous pour s'en remettre...
La deuxième partie du séjour va marquer un changement radical : nous partons 700 km plus au nord, vers le parc naturel de Peruaçu et la ville d'Itacarambi. Un membre du Bambui, Arnaldo, nous accompagne. La ville est un bout du monde ou la route s'arrête et fait place à une piste en bordure d'une réserve indienne. Nous devons atteindre dans les jours suivants plusieurs objectifs repérés par photo sat. dans un no man's land gigantesque.
La ville est bordée par le rio Sao Francisco, deux fois le Rhône en débit mais peuplé de piranhas et de crocos. Le lever de soleil est magnifique
Notre premier objectif est une mégadoline située sur le massif. Elle n'est qu'à 500m du terminus de la piste et nous pensons pouvoir l'atteindre rapidement. Mais la végétation tropicale complique tout : il nous faut une heure et demi de combat acharné à la machette et sous la chaleur pour enfin apercevoir les premières falaises. Cet objectif ne donnera rien à part quelques rencontres avec la faune locale, serpents mortels et araignées, et un bon point de vue sur la stucture géologique. Les vieux sols altérés rouges recouvrent tout le plateau. Les calcaires, qui sont parmi les plus anciens du monde (datés d'environ 700 millions d'années, soit 200 Ma avant le Cambrien base de l'ère Primaire), affleurent sous forme de fenêtres dans les mégadolines ou dans les vallées.
Mégadoline en pleine forêt tropicale
Nous avons ensuite l'occasion de visiter la grotte de Janelao, la cavité-phare du parc et qui est à l'origine de sa création. Le parc a été vidé de ses habitants (quelques fermiers) et est aujourd'hui une réserve stérile de tout visiteur. Un paradoxe. Il n'en reste pas moins que Janelao est une cavité qui figure parmi les plus gros volumes au monde avec une largeur moyenne de galerie de plus de 100m et des voûtes flirtant avec les 200m de hauteur. Ce karst est en phase ultime, presque démantelé dans sa première partie, avec plusieurs mégadolines d'effondrement percant le plafond de la galerie.
L'entrée de Janelao, les arbres à droite font une cinquantaine de mètres de hauteur
Une des premières dolines, en forme de coeur, recoupant la galerie. La hauteur est de 150m environ
L'entrée de la partie entièrement souterraine du réseau
Vue depuis l'intérieur. La stalactite eclairée à droite à mi-hauteur fait 28m de long
Les recherches se poursuivent les jours suivant cette parenthèse de visite classique. Nous localisons une nouvelle mégadoline et obtenons l'autorisation du parc pour nous y rendre. Pour cela , nous devons passer au dessus du réseau de Janelao
Vue par le haut sur une doline du réseau : 200m de profondeur, 500m de diamètre
Cette fois nous avons plus de chance : la végétation est moins dense, et nous parvenons à trouver facilement l'objectif puis à y descendre avec simplement une corde. Au fond de la dépression, derrière un éboulement, nous découvrons une cavité fossile de grandes dimensions, avec des galeries de 40m de large environ.
Concrétions en dentelle dans la grande galerie
Le fond se dirige vers le réseau de Janelao mais un bouchon de calcite empêche la jonction. En suivant la logique du karst, nous ressortons pour atteindre l'autre côté de la dépression où doit exister la suite de la cavité. Après quelques coups de machette, un porche majestueux de 50m de large nous accueille. Les conduits sont visiblement très anciens, mais là aussi le remplissage bouche la suite.
Le grand porche vu de l'intérieur
En scrutant les parois alentours, nous découvrons avec stupeur toute une série de peintures rupestres
Elles ressemblent à celles déjà connues sur un autre site du parc, provenant d'une civilisation indienne disparue et datées de 12000 ans environ
Celles-ci s'avéreront après discussion inconnues du ministère. Un nouveau site à étudier donc. Mais tout se paye...
En poursuivant la prospection, nous sommes attaqués par un essaim d'abeilles récalcitrantes. Deux d'entre nous dont moi sommes piqués. Nous fuyons et une partie de l'équipe repart vers le véhicule (risque d'allergie). Je poursuis la prospection un peu plus loin avec Arnaldo et nous découvrons une nouvelle cavité. Mais à la sortie, un nouveau danger se présente. Il s'agit cette fois d'un puma, identifiable par son odeur caractéristique. Cette fois nous rentrons, machette à la main...
La dernière partie du séjour est consacrée à la recherche d'autres cavités en dehors du parc. Nous faisons de petites explos, avec arrêt sur siphon et même sur étroiture ventilée (eh oui, comme à la maison...). Il faudrait rester plus longtemps sur le massif pour faire d'importantes découvertes mais le temps nous manque à présent. Il nous faudra deux jours de route pour rentrer sur Belo Horizonte, en faisant escale à Diamantina, ville minière comme son nom l'indique, située au coeur d'un massif spectaculaire de quartzite.
Le vol retour est agité de nombreuses turbulences au dessus de la zone équatoriale, ce qui nous empêchera de dormir, mais nous parvenons tous sains et saufs en France pour retrouver des températures nettement plus fraîches. En tout cas ce fut un périple inoubliable...
En bonus, quelques photos de rencontres inopinées avec la faune locale...
Colonie de chauve souris de belle taille dans la grotte du toboggan
Un ambipige, hôte inoffensif mais parfois assez grand (15 à 20cm) des cavernes locales
Lors d'une prospection, rencontre avec un beau spécimen de serpent mortel genre crotale, ici en position d'attaque. Il s'agit d'une des deux espèces les plus dangereuses du Brésil. Trois rencontres de ce type en tout durant le séjour...
Devinez ce qui se cache sous le caillou de la grotte et qui sort les pattes...
Gagné !!!
5 commentaires:
Petit veinard! Ça donne envie toutes ces petites bêtes. T'aurais pu nous faire le CR en Portugais!
Bonjour LAURENT,
...BRAVO et FELICITATIONS pour Ta MAGNIFIQUE EXPEDITION BRESILIENNE,..
..pour Ton EXCELLENT et AGREABLE RECIT d' AVENTURES,( ..qui mériterait bien d' en faire un véritable " Bouquin ",...avec Les TALENTS de NARRATEUR et D'ILLUSTRATEUR qui sont les TIENS !!).
[Si j'ai bien compris ,..
pour les " Points Chauds",.. je remarque discrètement ,comme toi,...que les BRESILIENS n' hésitent pas à mettre les "Moyens",..et plus . (...Chacun ses Techniques,..on est malgré tout en Pays TROPICAL !!)]
Après ces GRANDES CAVERNES TROPICALES,...la Reprise au ROC de NITABLE, ..risque d' être "dure" et difficile pour se remettre dans le " Bain " !!
Pour ma part, dans les Fascinantes Cavernes Tropicales,.. si j'avais eu droit aux Migales,..aux Blattes,.. aux Serpents,.. aux Roussettes,..etc, ..je n'avais pas eu le privilège comme Toi de rencontrer le PUMA !!
Bien Amicalement - André.-
un paradis tropical pour la spéléo qui fait dans la démesure à tous niveaux et qui doit donner envie d'y retourner pour pousser plus avant des explo, il doit y avoir encore tant à découvrir...
alain
Désormais international le SCA!
Merci Laurent pour ton excellent reportage.Par contre c'est dommage que les participants est été souvent photographié...de dos!
Quant à me faire réver...je préfére quand méme nos petits trous...et petites bétes locales!!!
Tel des missionnaires pour prêcher la bonne parole du SSF à quelques indigènes ;-) De beaux échanges et de belles aventures ! Merci pour ce récits très alléchant !
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