lundi 25 septembre 2017

Apothéose en sous-Saul(t)

Dimanche 24 Septembre 2017
Trou du Chandelier
Participants : Sophie, Denis, Dominique, Henri, Jean-Luc, Thierry, Christelle, Laurent
TPST : 12h

Lorsqu'une sortie d'exploration est programmée de longue date et qu'on a le temps d'imaginer ce qui se cache dans une suite de trou, une part de nous même ne peut s'empêcher de craindre un arrêt trop précoce à cause d'un caprice de Dame Nature.
Avec les fantasmes qui galopaient dans les esprits depuis plusieurs semaines, la pression était énorme dans l'équipe en entrant dans la cavité.

Ca commençait mal : comme pressenti depuis un moment, les "zones molles" de la trémie, bien humidifiées par les dernières pluies, ont senti les effets de la gravité.
Un bon mètre cube de terre est tombé et s'est fait arrêter dans nos grillages posés juste à temps : effet garanti en descendant à côté de la bête...

Mais on était pas venu là pour se laisser impressionner aujourd'hui. Nous étions partis à quatre un peu en avance sur les autres pour franchir l'obstacle terminal de la dernière explo; une escalade suivie d'une lucarne et d'une redescente.
Nous sommes donc à pied d'oeuvre à 11h au fond du trou, non sans avoir en passant percé un rebord de grand gour qui avait eu la bonne idée de se remplir d'1m50 d'eau depuis la semaine dernière...
Bref, une demi-heure plus tard, le clairon retentit et signale que la suite est ouverte.
Les autres arrivent avec un timing parfait. Les choses sérieuses peuvent commencer...

La suite est large, plate et confortable. En plus un fort écho nous revient de droit devant.
C'est parti pour la première...
Quelques dizaines de mètres plus loin, c'est un vrai boulevard qui s'ouvre à nous : 6 à 10m de large pour 15 de haut, parfois plus...
Nous comprenons tout de suite que se retrouver en béquilles la veille de la sortie, ce n'était vraiment pas une bonne idée.

Les dimensions s'agrandissent
La galerie est ponctuée de volumes encore plus importants en dessous de deux grandes cheminées successives d'au moins 35m tombant du plafond. Trop grand et trop noir pour mon petit appareil photo.
La suite de la galerie après la première grande cheminée

Arrivée sur nouveau volume
Les galeries s'enchaînent, bien plus vastes encore que dans la première partie du trou parcourue il y a un mois.  Nous traversons à présent une zone particulièrement concrétionnée. Le développement chauffe...
Début de la zone concrétionnée

Méduse conique

Massue
 Un premier redan remontant à équiper nous freine, juste le temps d'apprécier la beauté des lieux

Ancienne cascade
Tout de suite derrière, ça redevient géant et nos cris résonnent pour la première fois dans ce temple silencieux.

Perspective immense
Nous doublons deux gros départs fossiles en hauteur. Denis atteint facilement le second par un escalier naturel taillé dans la paroi. Arrêt sur coulées blanches et cristaux, à traverser en chaussettes; ce sera pour une prochaine fois...
Encore des coulées

Galerie haute
Plus loin une cascade fossile d'une dizaine de mètres de haut nous stoppe. Les deux équipeurs, Denis et Henri entrent en action et vont s'en donner à coeur joie pour la contourner par un balcon aérien.

Ancienne cascade à nouveau
Pendant l'équipement, le froid se fait sentir et Dom en bon spéléo alpin sort l'arme absolue. De mon côté je crapahute et découvre pas mal de bestioles cavernicoles sous les cailloux du sol.

Point chaud improvisé pendant l'équipement

Déviation aérienne
L'équipement terminé, l'exploration peut reprendre. Au dessus nous prenons un cran supplémentaire d'adrénaline : la galerie qui s'ouvre est carrément géante, sans commune mesure avec les autres cavités du massif et même du département; seul le Gaougnas pourrait rivaliser.

A nouveau immense droit devant

Gravier posé dans l'immensité...
Une fois cette zone traversée, l'obstacle suivant est une vasque profonde qu'il faut traverser en main courante. Denis s'en charge aidé par Dom.
Cet arrêt est l'occasion de photographier quelques jolis détails.
Vrai gravier

Rebord de gour sculpté
Derrière la vasque, ça repart à nouveau grand puis une bifurcation se présente. Un ressaut très glissant défend un départ de galerie vers le bas, et un toboggan remontant sur calcite à équiper semble donner dans un volume supérieur.
Je tente le ressaut olé-olé pendant que les autres équipent. Pour la première fois dans la cavité, je tombe en bas sur un vrai réseau semi-actif après franchissement d'un siphon glaiseux à sec. La galerie est bien plus modeste, 2,5m de haut pour 1,5m de large et semble subir encore actuellement les crues. Arrêt sur laminoir après 150m de parcours facile.
Le temps de revenir et de remonter en extrême limite le ressaut, le toboggan de calcite est équipé.

Après un bout de galerie, nous débouchons dans une conduite forçée de 15m de diamètre (non, je n'ai pas oublié la virgule entre le 1 et le 5...).
Celle-ci bute finalement sur une énorme coulée à escalader. Un col semble défendre la suite tout en haut mais il y a du boulot pour l'atteindre.

Dernière galerie avant terminus du jour
Il est passé 18 heures au bout du monde; et cela fait 6h30 que nous sommes en première. Le réseau confirme toutes nos espérances et au delà.
Difficile d'annoncer un chiffre de développement, disons que le trou dépasse déjà très certainement les 3km, mais cela ne veut pas dire grand-chose en comparaison du volume souterrain découvert...
L'extension est elle aussi très importante, car nous avons progressé en permanence vers l'Ouest, traversant plusieurs faciès calcaires allant des brèches-limite (début et zone médiane) au Barremien (au fond) en passant par le Néocomien (zone médiane).

Le retour nous paraîtra interminable avec beaucoup de lacunes dans la chronologie et la mémorisation des passages.

L'essentiel est dit, pour ce qui est des faits en tout cas. Quant aux émotions ressenties lors de cette journée, elles resteront gravées dans nos mémoires pour toujours.
Il faut à présent valider ce qui vient d'être fait, équipement et topographie. Ce sera la priorité avant la saison des pluies, ce qui sera une autre zone inconnue à apprivoiser.

Je rajoute quelques photos de Jean-Luc




 

24 commentaires:

masdan a dit…

Un seul mot : c'est géant ,que du bonheur.....

Etienne a dit…

P..... C.. comme on dit chez nous !

riton a dit…

A l'image des galeries: de la grande spéléo!!!Pas vécu ça depuis le Red de Toneyo aux Picos il y a....30 ans!Une date historique dans l'histoire spéléo de l'ingrat plateaux de Sault, qui a de rares exceptions prés ( Oeillets, Gaufios), n'a souvent révellé que des cavités austères et étroites...

masdan a dit…

En fait, mis à part le semi actif fielleux,exploré par l'excellent narrateur, Cela semble ,un peu monter? Quant au courant d'air, vu le volume, vous ne le sentez plus . Bravo

Thierry bonnel a dit…

Que dire de plus de l'excellent compte rendu de Laurent...une journée inoubliable à parcourir des galeries d'un esthétique à couper le souffle un mélange de TM71 et de cabrespine avec un zeste de progression sur cordes et tout ça sous le plateau de sault...
Que du bonheur!

masdan a dit…

Et je suis content de voir que Thierry est là.Mettez le nom de ton oncle de Belvis à une galerie en souvenir d'une soirée où il nous avait fait dormir dans sa grange(surtout ne fumez pas!) après nous avoir partagé sa soupe... Quand aux saucissons... il les ouvrait... Merde creux et moisis
Jeté dans la cheminée, 3 ou 4 pareils....Saucissons creux sous un plateau creux,c'était prémonitoire...

LN MATSUB a dit…

LES BOUUUUUUUUUUUUUUUULLLLLLLLLLLLLLEEEEEEEEEEEEEEEESSSSSSSSSSSSSSSSSS !!!!
La prochaine fois je jette les béquilles et je viens en chaussettes!!!!
alors là Laurent déjà que je râle grave depuis vendredi soir, tu rajoutes la chantilly par dessus!
Ce soir je fais séance de cryogénie, je vais lui demander à mon kiné qu'il me congèle la jambe, comme ça on en parle plus de celle là!
Bon, si j'ai tout suivi à ton compte rendu, c'est loin d'être fini tout ça!
Bravo pour vos exploits cavernicoles.
La prochaine, béquilles, plâtre, ou fauteuil roulant m'en fout on vient!

masdan a dit…

LN, tu as raison, mais si ils publiaient sur leur agenda leurs sorties en temps réel, ça éviterait de regarder plusieurs fois par jour sur ce blog désespérément muet. D'ailleurs, je ne sais pas vous, mais moi, je suis pour le Direct....gromeleu...

masdan a dit…

Pour LN, on m'a dit que tu avais publié( avec un mérite extraordinaire!)Un rapport, un mémoire, sur nos colorations hasardeuses du Minervois.. Je n'ai rien trouvé...

masdan a dit…

Et puis j'arrête, mais quand on sait qu'il y aura bientôt(? Guillaume) reprise des plongée Redonda , et qu'il y a un réseau parallèle oublié au Red du Toneyo, juste dans le flanc du grand canyon qui part du plgé, là haut et qui ressort à la fuenté de Rédonda, certes, mais en trop plein à plonger au dessus de l’hôtel.....(commentaires pour Henri sur les Picos, les cidérias, les grands volumes doubles,le vino tinto... et je n'étais pas là pour les tirs au fusil en l'honneur du 14 juillet....

Dom POULAIN a dit…

Superbe journée.

Laurent a dit…

D'après les premières extrapolations sur fond de carte géologique, le terminus actuel du réseau se trouve au pile fond du synclinal du col du Chandelier, sous les marnes du Bédoulien et dans les calcaires du Barrémien.
Ce serait théoriquement un lieu de carrefour entre :
- la branche sud du synclinal au sud-est (inconnu, possible zone noyée)
- l'amont du synclinal vers le nord ouest sous la forêt de Puivert et le bassin versant de Fontestorbes (distant d'1km à peine)
- le seuil hydraulique conditionné par l'anticlinal de Picaussel et amenant potentiellement l'eau du sud du plateau en hautes eaux (Rébounédou, etc...).

C'est en tout cas fascinant, après de nombreux débats sur carte et données extérieures, d'être plongé réellement au coeur de cette structure complexe encore méconnue, bourrée d'énigmes et qui a déjà fait couler beaucoup d'encre. Nous levons à présent une petite part de ce grand mystère à chaque sortie, pourvu que ça dure...

Laurent a dit…

Et dans un autre registre, j'ai oublié de remercier le GS Couserans pour le mot sympa laissé à notre attention à la sortie.

LN MATSUB a dit…

oui Daniel il est sorti le rapport sur le multitraçage.
Donne moi ton adresse mail je te l'envoies.
Bises

masdan a dit…

Pour LN:mas.daniel@free.fr Merci.

F4GHW a dit…

C'est réellement pleins de mystères...je regarderais la carte géologique, mais c'est vraiment impressionnant.je n'en doute pas un seul instant.

En tout cas, je vous souhaite de pouvoir mettre les gazs dans ces grandes galeries et de faire exploser le compteur kilomètrique.

Christophe (Kris)

Jean Luc Bénet a dit…

Lors de mes initiations en spéléologie avec le SCA nous avions visité Cabrespine rivière jusqu'au Dômes. j'étais resté impressionné par les grands volumes, La rivière et toutes ces magnifiques congrégations. Je me posais la question sur le ressenti émotionnel des découvreurs et bien 7 ans après j'ai la réponse suite à la première de hier au Chandelier. C'est indescriptible et il n'y a pas assez d'adjectif qualificatif pour exprimer ses impressions personnelles et collectives. C'est une expérience forte exceptionnelle et inoubliable... Merci la spéléo!

masdan a dit…

Les équipeurs, les mouches sur le plafond assurent +++, il faut le dire...

Denis a dit…

L'escalade pour contourner la grande cascade : une dizaine de mètres en libre sur une calcite multicolore et solide (ça existe !) dans un décor de rêve... 2è longueur en traversée ascendante encore plus belle : orange, blanc, gris, brillant, spaghetti géant, aérien et fantastique. Le tout sans mettre un spit, inoubliable.
La cavité se dévoile, alternant beauté, grandeur, quelques obstacles variés qui pimentent le voyage.
Une belle aventure pour une belle équipe.

Daniel C a dit…

En tout cas ça fait plaisir de lire ces exploits

Le Long a dit…

Bravo les copains !! Vous nous faites tous rêver !!

Gardèch'ti a dit…

Bon Laurent, même si on vous entend jusque dans le Gard quand vous criez dans les grands volumes, CONTINUEZ, car on veut vous entendre encore longtemps et plus fort.
Bravo à l'équipe et à leurs "mouches".

masdan a dit…

Gardèch'ti, ce n'est pas toi qui cherchais désespérément un verre de lunette tombé au fond de ''l’eldorado touristique'' de Vignevieille, Lors de l'exploration après le Grand Bleu ?....

Gardèch'ti a dit…

J'en ai perdu et retrouvé un il y a cinq mois.
Mais à Vignevieille, dans l'euphorie, je ne me serai pas rendu compte de sa perte.