vendredi 20 février 2015

Cotiella

Voici le compte rendu complet du SCM (Spéléo Corbières Minervois) du Raid à Fornos 

 Par Jean-Claude Gayet :

Raid «BAJAS AGUAS» à Fornos 13-14-15 février 2015


Participants: Christophe Bes, José Ferris, Eienne Fabre, Olivier
Monti, Jean Camplo, Jean Claude Gayet.

Le programme était ambitieux, mais grâce à l’engagement de tous, tous les objectifs ont été atteints, avec brio. Merci à tous et une mention toute particulière pour Etienne, auteur de splendides photos, agile homme araignée au-dessus de l’inquiétant Chorro et peut être découvreur d’un nouvel accès à la cavité, mettant en sécurité les explorateurs en cas de crues soudaine.
A l’heure dite (6h30), nous prenons la route après un regroupement ponctuel des Carcassonnais et Héraultais, au péage de Bram. A Mazouau, José nous offre le café puis nous grimpons dans son véhicule pour parcourir les derniers kilomètres et arrivons à Badain, terminus de la route vers 11h. Un rapide casse-croûte plus tard, c’est sur le long sentier peu pentu que nous rejoignons la passerelle sur l’Irués. Première halte pour percer six trous afin de fixer trois échelons métalliques (photo 1). Cet aménagement nous évitera de faire le grand tour par le talus pour assurer les travaux de maintenance de la règle limnimétrique.

photo 1

Dans la baume en bas du Pot au feu, nous abandonnons nos lourds sacs et revêtons combinaisons et casques pour remonter le rio Irués quasi sec et atteindre l’entrée de Graners un peu plus tard. Le binôme Olivier et Jean rectifie le balisage posé en 2012 en inversant les couleurs des catadioptres : rouge dans le sens de la descente (vers le danger), blanc dans le sens de la remontée (vers le jour). Nous sommes persuadés qu’en cas de panique créée par un crue soudaine, la moindre seconde perdue en hésitation peut être fatale… Rappelons que l’eau peut envahir très rapidement la cavité, avec un record à 60 cm par minute ! Cette fine équipe continuera en notre compagnie, le marquage jusqu’à la galerie « de los cinco minutos ». Il manque néanmoins quelques repères sur le retour (blancs), nous avions épuisé les chevilles à planter.
José et Jean Claude, au bord du « lago uno », installe un tube en PVC sur un rocher plat et pentu (photo 2). Cette gaine protège à présent un Sensus Ultra immergé au coeur du lac, pendant que l’autre, historique, veille toujours à une paire de mètres au-dessus du niveau habituel. Il sera intéressant de connaître la fluctuation de niveau du lac, sans pour autant abandonner l’ancienne station de mesure. Les deux séries de données pourront être rapprochées et comparées.

photo 2
photo 2 bis


Virevoltant dans les volumes intéressants de Graners, Stoche et Etienne disposent les flashes, règlent, refont, critiquent, râlent mais réussissent d’excellents clichés.
Nous arrivons ainsi jusqu’à la cheminée remplie de sable des « cinco minutos », particularité de cette galerie très pentue remontant d’une trentaine de mètres (point haut de la résurgence), où l’on s’enfonce dans un sable fin remanié lors de chaque crue (photo 3). Il ne faut pas croire être à l’abri tout en haut, la mise en charge d’octobre 2011 a dépassé son point haut. A ses pieds, on peut observer de curieuses concrétions d’argile calcifiées !

photo 3
Comme l’a dit Jeannot, « personne ne nous attend au Pot au Feu » et nous décidons, malgré la fatigue d’une longue journée, d’explorer la galerie « del Tronco », vaste conduit reliant Graners au Chorro dont il est séparé par un siphon peu profond d’une quinzaine de mètres de longueur. La voute plein cintre est creusée dans la marne noire (photo 4). Il est probable que le conduit originel se soit creusé dans le calcaire (contact inversé à cet endroit), puis érosion et gravité ont usé les parois feuilletées jusqu’à combler et masquer entièrement le calcaire sous-jacent. La désinvolture de mes compagnons parcourant ce piège mortel ne m’empêche pas de penser à ces flots tumultueux que j’ai vu s’engouffre en août dernier, pour jaillir (Chorro en Castillan) avec puissance à 25 mètres de hauteur dans la reculée de la « cueva del Chorro ». Par endroit, des galets de grosse taille peuvent être rassemblés en plage, illustrant la puissance et la fréquence des crues. Pour sûr, cette résurgence doit être explorée avec énormément de vigilance, le mois de février étant le moins pire pour subir les crues.

photo 4
photo 4 bis
C’est ensuite la montée vers notre nid d’aigle du Pot au feu. Chargés du nécessaire pour 2 bivouacs successifs, nous ahanons une petite demi-heure, retenus par nos poignées sur les cordes fixes, avant de franchir les derniers ressauts verticaux en haut desquels nous prenons enfin pied sous le porche accueillant. Là, même pour les habitués, les installations réduites à leur plus simple expression donnent aux lieux un caractère désuet, et nous nous surprenons à nouveau enfant, repris par cette magie des instants simples, où l’on se ressource (photo 5). La semaine précédente déjà, un vaillant spéléo du Lot avait acheminé sous le porche quelques cordes, mais également une outre de vin du Rhône. Dans nos sacs, un autre de Merlot et un litre d’un excellent vin de Bordeaux qu’avait monté Jeannot pour se faire pardonner quelques oublis sur Armeña en août dernier … Dans un autre une bonne barquette de fritons de canard, tout était là pour réussir un apéro singulier, au sec et au chaud près du poêle artisanal. Pur moment de bonheur! La nuit fut moins idyllique car un certain occupant ronfla toute la nuit, entre grognement d’ours des cavernes et rugissement de lion en rut ! José se dépliera le matin, après une nuit entièrement blanche ! Il faisait pourtant bien bon dans la chambre du Pot au Feu… Faut dire que le voisinage n’était pas dérangeant !

photo 5
Le matin, nous sommes sur place pour continuer le programme dans cette grotte fossile. Dès le matin, corvée d’eau à bouillir pour Etienne et Jean Claude. Nous descendons à la grande vasque pour remplir un bidon et la trouvons à un bon mètre au-dessous du niveau habituel. Les laisses d’eau supérieures que nous devions siphonner pour un passage plus confortable sont évaporées, seule reste en fond une boue liquide et collante. La voie est libre ! Nous faisons une grande série de photos dont certaines sont remarquables. A la première remontée à la corde à noeuds, juste après le passage bas entre la chambre et la cavité, des traces horizontales calcifiées d’anciens niveaux d’eau couvrent les parois. Elles attestent le long séjour d’un plan d’eau à cet endroit alors que l’orifice en falaise était entièrement obstrué. Cette observation est corroborée par le remplissage de fin graviers roulés allochtones dans un réduit latéral. Les universitaires de Perpignan ou Montpellier sont spécialisés dans la datation des nucléides cosmogéniques témoins de l’abandon des réseaux karstiques et rythmes d’incision des vallées dans les Pyrénées. Nous prenons quelques clichés rapprochés pour tenter de les intéresser au creusement de ce ravin d’Irués (photo 7).

photo 6

photo 7
Nous continuons par l’exploration complète du puits de jonction avec le Chorro (photo 8). Là également, nous trouvons le niveau du siphon Nord-Est bien en dessous de la normale, mais encore amorcé. Nous plaçons un Sensus-Ultra pour surveiller ses débordements. Plus loin, nous parcourons une conduite forcée dont les parois sont sculptées d’impressionnants coups de gouge très allongés indiquant une grande vitesse de circulation (photo 9). Les premiers calculs (en cours) indiquent une vitesse de 70 cm/s. Au bas du ressaut non descendu en 2014, le passage bas dans le sable indiqué par Éric (et dans lequel se perdait un ruisselet) n’est qu’une zone de décantation tapissée d’argile… La voie royale vers les Fuentes Blancas, ce sera pour une autre fois ! Nous levons la topo jusqu’au point extrême, au bord du siphon Sud-Ouest. C’est un plan d’eau limpide, profond (multi-métrique) vers lequel s’abaisse progressivement le plafond. L’environnement est propre, concrétionné, l’immersion doit y être facile…A voir !

photo 8

photo 9
En haut du puits de jonction, nous reprenons la topo au point 3 et cheminons dans la haute diaclase en prenant des photos. Pendant les réglages et grâce à nos puissants éclairages, les parois sont scrutées. On y découvre d’impressionnants coups de gouge dans le sens ascendant. Cette évolution paragénétique est visible en de multiples endroits de la cavité (photo 10).

photo 10
La corde tente de donner une échelle, les cupules sont de taille multi-décimétriques,plus hautes que longues, dans le sens ascendant

A son extrémité, nous n’imaginions pas que la remontée équipée était si verticale ! Nous réservons la topo de la suite pour une prochaine visite, et nous rentrons paisiblement au bivouac d’entrée. Ce n’est pas fréquent de s’abriter confortablement dans la cavité explorée !

Nouvelle nuit dans la tanière des ours, mais l’autoritaire intervention d’un excédé rend les grognements plus réguliers, moins bruyants.

Au jour le dimanche matin, je dévale le sentier pour revenir à Badain (2h), décharger le sac des affaires de bivouac devenues inutiles, et emporte le fluorimètre de forage prêté par André. Je rejoins vers les 10 heures, le groupe en charge de l’ascension du Chorro. Etienne est déjà parvenu sous un surplomb au-dessus du porche (photo 11). Lors du contournement en hauteur du porche par l’Est, il remarque un trou soufflant chaud, pénétrable, profond de ¾ m au fond encombré de blocs… Cette cavité, inédite, est vraisemblablement un nouvel accès au réseau du Chorro, hors crue, d’un très grand intérêt ! Cette éventualité devra être vérifiée lors d’un raid dédié. Pour l’heure, Etienne progresse sur une corde d’escalade de 8mm, provisoire. Il fixe 2 goujons à la verticale du seuil, sur la paroi Ouest, qui permettront d’y descendre en toute sécurité. Sans y descendre car l’heure avance, il équipe en s’écartant de la cascade lors de l’activité de la résurgence, pour atterrir dans les buissons, à l’Ouest de la marmite de géant. Etienne est resté suspendu 2h30mn pour tracer et équiper la voie. Bravo l’artiste!

photo 11
Jean et Olivier nous quittent, leur voyage retour est plus long.

Nous revenons vers la passerelle où 3 injections (2g, 4g, 2g) de fluorescéine sont réalisées. Lors de l’extraction et l’enregistrement des données, un problème survient (récurrent puisque nous l’avions déjà déploré le week-end précédent lors d’autres jaugeages). Les 2 injections sont cumulées et mélangées sur la carte, alors que la seconde devrait écraser la première… Il s’agit d’une maladresse dans la procédure d’enregistrement du fichier. Donc à nouveau des résultats aberrants, mais un à 243 l/s (règle à 18 cm) alors que nous avions eu 215 l/s (règle à 17 cm) le 08/02/2015. Le doute subsiste donc et le débit d’étiage correct nécessitera un nouveau déplacement à Fornos. Notons simplement pour l’instant qu’il est aux alentours de 200 l/s lorsque limnimètre et limnigraphe mesurent 17/18 cm.

Puis c’est le long retour vers Badain et l’asphalte, où nous a précédé José. Une « mousse » et quelques achats détaxés (de moins en moins !) à Parzan et la tombée du jour nous surprend sous le Port de Bielsa.

A bientôt !



3 commentaires:

masdan a dit…

Magnifique aventure, bellement racontée, et bien entendu ,les photos sont belles ...

André Tarrisse a dit…


FELICITATIONS ETIENNE pour Ta BELLE ESCALADE !!,.. et les BELLES,.. + INTERESSANTES PHOTOS prises avec l'EQUIPE " COTIELLA de FEVRIER 2015" !! - Amicalement - André.

André Tarrisse a dit…


Autre Remarque,...je ne savais pas que JEAN CLAUDE s' était mis à "Surfer" sur,..les VAGUES d' EROSION
(...Cf: Photo Explicite!)-
Amitiés André.